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Photo du rédacteurRachel Melki

Le confinement : On fait comme on peut, et c'est déjà pas mal.


Article publié sur le site : tuto.com le 28/04/2020


Ecrire un tuto pour aider à « bien vivre son confinement », même en étant psychologue, ce n’est vraiment pas facile…


J’ai d’abord pensé m’appuyer sur l’expérience des précédents confinements et sur les innombrables ouvrages scientifiques qui traitent du sujet... J’ai cherché dans mon réseau, des collègues experts en confinemologie… Mais ça n’a pas donné grand-chose…


J’ai ensuite imaginé avoir recours à la distanciation (psychique celle-ci), qui permet, dans ce métier, de garder une « neutralité bienveillante » et d’écouter les souffrances des autres en gardant du recul. Pour aider sans juger, il faut différencier ce qui concerne l’autre de ce qui nous appartient… Oui mais là….


Et finalement, je suis revenue à la question de départ : Existe-t-il vraiment une bonne manière de faire pour « confiner tranquille » ?

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On entend tous beaucoup de conseils sur le sujet : Il faut faire du sport, manger sainement, dormir paisiblement et plus longtemps, et s’activer pour faire toutes les choses qu’on ne fait pas d’habitude faute de temps. En un mot, il faut « profiter » du confinement.


Oui… bien sûr. Si on y arrive, tant mieux.


Et si on n’y arrive pas ?


Même sans confinement, cette hygiène de vie parfaite est assez difficile à suivre… Mais là, en plein drame mondial, en plein tsunami émotionnel individuel et collectif, nous devrions atteindre l’idéal encore plus parfaitement que d’habitude, et tout ça, parce que nous avons du temps ? Mais si c’est le cas, si nous sommes tous aux légumes et aux fruits depuis 6 semaines, pourquoi les magasins sont-ils en rupture de levure et de farine ?

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Pour comprendre, reprenons le début de l’histoire. Quand on revoit un film, même si on connait la fin, on découvre toujours des éléments qui nous avaient échappé, inconscient oblige.

Donc… Au départ, tout allait bien.


Euh… Non, pas vraiment... Avant le confinement, tout n’allait pas « bien » pour tout le monde. Il y avait déjà des souffrances, des doutes, et parfois même, des symptômes. Certains avaient un présent et/ou un passé douloureux, et tentaient de construire un demain différent. D’autres étaient dans une bonne dynamique et avaient la tête remplie de projets. Nous avions tous nos routines, nos repères, nos petites histoires du quotidien, nos espoirs, nos chagrins, nos entourages, nos solitudes… Bref, toutes ces choses, petites et grandes, qui constituent nos vies.

Avions-nous entendu parler du Covid19 ? Oui, bien sûr. Mais c’était loin, à des milliers de kilomètres de nous. Un drame parmi tellement d’autres… Etions-nous menacés ? Non, pas vraiment… Et puis, souvenons-nous… A ce moment-là, nous parlions plutôt des retraites, c’est-à-dire… de l’avenir.

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Était-il alors possible d’anticiper les évènements qui ont suivi, de s’y préparer, psychologiquement ? Je dirais que non, et pour plusieurs raisons.


La première est que, par principe, (principe étonnant, j’en conviens), une chose qui n’est jamais arrivée est considérée impossible. La moitié de la planète enfermée chez elle… ? A cause d’un virus mutant… ? A part dans les films de science-fiction : Impossible.


La seconde est (dixit Sigmund), que nous avons tous la conviction inconsciente d’être immortels. Consciemment et intellectuellement, bien sûr, nous savons que ce n’est pas vrai, mais une partie de nous se comporte comme tel. C’est cette partie qui rend possible les projets à très long terme, mais c’est aussi elle qui fait l’état de choc (et de surprise) quand la mort se rapproche, de nous ou d’un de nos proches.


Et enfin parce que, pour se protéger, notre psychisme refuse ce qui ne lui plaît pas. Et le Covid, le confinement, l’impuissance médicale, la mort à tous les étages, les listes de symptômes qui s’allongent tous les jours, les hypothétiques conflits de générations pour survivre, l’avenir incertain, les cataclysmes financiers annoncés, l’impossibilité de contrôler quoi que ce soit, la visibilité sur à peu près rien, nos vies qui s’arrêtent là où elles en étaient, sans pouvoir bouger ce qui ne va pas, ni voir venir ce qui devait être bien… Ça ne nous plaît pas, donc, on refuse. Et n’étant pas tous construits de la même manière, les refus divergent : Il y a ceux qui dénient, ceux qui banalisent, ceux qui ont besoin d’un coupable, ceux qui se replient, ceux qui essaient d’en rire, ceux qui rationnalisent, ceux qui voient le pire, ceux qui essaient d’écrire des tutos…

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Mais alors, si nous sommes tous différents, comment tous « bien » vivre ce confinement ?


Et bien, peut-être que… « Bien » vivre un drame, c’est beaucoup demander. Devenir un « super soi encore mieux qu’avant » … J’ai des doutes. Oui, bien sûr, les légumes, le sport… Mais on peut aussi se trouver des circonstances atténuantes et se laisser tranquille… Si on plonge dans le sucre, qu’on n’a envie de rien et surtout pas de ranger l’armoire, ça peut se comprendre. La pile de papiers qui attend depuis des mois peut attendre encore un peu… Si on ne se reconnaît pas, dans le super télétravailleur confiné mais hyper efficace le matin, super instit de ses enfants l’après-midi, et super sportif de salon le soir, si on est plutôt ramolli et désœuvré, est-ce vraiment étonnant ? Pour résoudre les problèmes, beaucoup d’entre nous trouvent habituellement leur énergie dans l’action, les projets, les autres ou les sorties. Oui mais là…


Bien sûr, si l’on souffre trop, ou si des symptômes apparaissent (ou s’intensifient), l’analyse est différente. Angoisses majeures, idées noires, émotions débordantes, passages à l’acte auto ou hétéro-agressifs, addictions, insomnies… doivent alerter. Et puis, pour certains, le confinement sera peut-être l’occasion (même douloureuse) de faire le point avec leur vie, et de conclure qu’ils se sont trompés de voie. Dans ces cas-là, consulter un psychologue ou un psychiatre peut être le premier pas vers le changement. Mais là encore, est-ce le bon moment ? Pour certains, sûrement, pour d’autres, il faudra que ça mûrisse…


Pour conclure, je dirais plutôt que chacun fait comme il peut, comme il est, et c’est déjà pas mal.


Rachel Melki

Psychologue clinicienne.

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